
– Sam Wisbey
Ayant pratiqué de nombreuses disciplines équestres dans ma jeunesse, je constate que les hommes sont perçus différemment dans chaque discipline, en particulier par les personnes qui ne pratiquent pas l'équitation.


– Moisés Jover Azuar
Je pense que c'est la même chose qui anime les hommes et les femmes. C'est la passion des chevaux et le désir de monter à cheval.

– Christian Green
J’ai été victime de préjugés de la part d’autres hommes dans le milieu équestre.

Pas facile d’être un homme débutant
De nos jours, de nombreux cavaliers de dressage, de CSO et d’autres disciplines sont des hommes. Au niveau amateur, le centre équestre Dueholmgård au Danemark, a parfois eu une équipe entièrement masculine où les hommes adultes débutants pouvaient apprendre toutes les bases, du sellage à la manipulation des chevaux. Pour beaucoup d'hommes, c'était plus compliqué qu'ils ne le pensaient, explique Malene Treldal, propriétaire du centre équestre Dueholmgård.
L’équipe masculine a connu un franc succès et a abouti à la création d’une véritable communauté pour de nombreux hommes :
« Je pense qu’il faut normaliser la chose. Il faut aussi avoir de bons professeurs d’équitation masculins, pour que les cavaliers aient des modèles à suivre. Enfin, il est important de renforcer l’aspect social. La plupart des hommes sont très sociables, donc on fait tout notre possible pour les regrouper entre eux pendant les cours et on leur permet de se sociabiliser après les cours, parfois autour d’une bière », racontre Malene Treldal.
Ce que tous ces garçons soulignent, c’est le pouvoir de l’équitation : le pouvoir de se rassembler autour d’une passion commune. Mais il est important de faire le maximum pour permettre à ces jeunes cavaliers de persévérer dans le sport.
Moisés est un cavalier de dressage qui a commencé à monter à l’âge de trois ans et qui n’a plus jamais arrêté. Il a toujours adoré le dressage qui est une discipline de concentration et d’attention aux détails, qui n’accorde ainsi pas tant d’importance à la vitesse ou à la hauteur des barres.
« Le dressage demande de la précision et de l’attention aux tous petits détails. Quand on monte à cheval, on doit être passionné, peu importe son genre. En CSO, ça va plus vite, mais le dressage ressemble plus à de la danse avec son cheval, et je pense que c’est ce qui dissuade beaucoup d’hommes », raconte Moisés.
D’après lui, certains pensent qu’un cheval monté par un homme est plus fort, mais, à ses yeux, ce n’est pas une question de genre, mais bien de recherche d’harmonie avec sa monture.
« Les hommes sont aussi passionnés que les femmes. Ce qui nous anime tous, c’est l’amour des chevaux et l’envie de les monter. »
Il n’y a pas de solution miracle pour convaincre les garçons et les hommes de monter à cheval, mais, ce qui est certain, c’est que le sentiment d’appartenir à un groupe et le fait d’avoir des modèles peut encourager la pratique de l’équitation et le fait de continuer dans ce sport. Il faut montrer que c’est un sport où plusieurs facteurs entrent en jeu : la précision, la vitesse, le timing et bien d’autres encore. Mais surtout, l’équitation, c’est avant tout la relation entre l’animal cheval et la communauté de cavaliers qui partagent cette passion.
« Je pense que le polo attire plus d’hommes que la plupart des disciplines équestres. D’après moi, les garçons essaient l’équitation quand ils sont jeunes mais, en grandissant, ils perdent l’intérêt pour ce sport, peut-être parce que l’équitation n’est pas perçue comme étant un sport masculin. C’est pourquoi je pense qu’il est crucial de tout faire pour que les jeunes hommes continuent malgré tout, plutôt que d’essayer de convaincre des ados ou des jeunes adultes de s’y mettre », explique Sam.
On a tous bien dû commencer à monter quelque part et, dans la plupart des cas, on a débuté l’équitation dans un club « classique », avec beaucoup plus de filles que de garçons. Il est difficile de déterminer la cause exacte de ce déséquilibre, mais il convient de noter que de nombreux cavaliers masculins brillent au plus haut niveau dans les sports équestres.
« Les garçons sont parfois très persévérants et moins perfectionnistes que les filles - ceux-là ont tendance à rester dans le sport, car ils s’accrochent même si tout n’est pas toujours parfait », explique Ulf Helgstrand.
Parmi les athlètes masculins de tout haut niveau, on retrouve Moisés Jover Azuar, cavalier international de dressage qui a monté en Espagne, au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas. Aujourd’hui, il monte à Helgstrand Dressage, au Danemark
« En Espagne, les hommes qui montent à cheval sont bien mieux perçus qu’ailleurs, peut-être grâce à la tradition de l’École espagnole d’équitation. Mais au Danemark et en Allemagne, j’ai constaté qu’il y avait beaucoup plus de cavalières que de cavaliers », raconte-t-il.

ON MONTE À CHEVAL PARCE QUE...
Tjalfe, 15 ans : « J’adore l’équitation parce que c’est cool d’être capable de contrôler un animal si grand. Ça me donne de l’adrénaline. Ça me rend très heureux. »
Efe, 11 ans : « Je m’amuse beaucoup en dressage, c’est chouette de progresser encore et encore. Puis, un jour, on arrive à faire des exercices qu’on n’arrivait pas à faire avant. En fin de compte, c’est un travail d’équipe avec son cheval. Passer du temps avec son cheval, tout simplement, c’est aussi très agréable, tout comme aller en concours avec les copains. »
Frej, 7 ans : « Monter, quand on est un garçon, c’est amusant, et ce n’est pas grave s’il n’y a pas d’autres garçons parce que j’aime bien être avec des filles plus âgées. J’adore le CSO et aller en concours. »
Emil, 14 ans: « On doit gérer un animal énorme, c’est passionnant de travailler avec les chevaux. Et faire de bons résultats en compétition, c’est un sacré défi vis-à-vis de soi-même.»
Nicolaj, 17 ans: « C’est difficile de trouver un modèle parce qu’il n’y a pas beaucoup d’hommes dans les sports équestres, et certains peuvent nous juger parce qu’on est vraiment passionnés par le sport. C’est pourquoi je trouve que l’association ‘Garçons et sports équestres’ est géniale : ça permet aux jeunes garçons comme moi de se trouver une communauté. On peut trouver d’autres cavaliers à admirer et aussi des copains pour la vie. »

Ce qui plaît aux hommes ? L’action et la vitesse
Heureusement, beaucoup de garçons ne se formalisent pas d’être en minorité au club. Pour certains, il y a d’autres aspects plus importants liés à l’équitation.
« Ça ne fait pas bizarre, c’est très naturel. Même si je suis le seul garçon, je n’y fais pas attention, c’est facile de discuter avec les filles aussi. On s’amuse bien en montant les chevaux et en les amenant au paddock, mais je ne suis pas spécialement fan des longues séances de pansage. Par contre, les concours, c’est génial », explique Jonathan.
La plupart des cavaliers s’accordent à dire que gérer des chevaux au quotidien n’est pas chose facile. « Certains sont peut-être rebutés par le concept de ‘sport de filles’, qui est souvent mal compris. Les sports équestres sont difficiles - porter des charges lourdes et curer les box, ce n’est pas une mince affaire. Travailler dans les chevaux, c’est vraiment épuisant, et j’ai l’impression qu’on oublie parfois la force et le courage requis pour s’en sortir », raconte Pernille Stensgaard.
On a constaté une différence en matière de disciplines équestres pratiquées par les hommes et les femmes. Au polo par exemple, les hommes sont plus nombreux, et cette surreprésentation peut s’expliquer par plusieurs facteurs, explique Christian Green, président du Club de polo de Copenhague.
« Le polo se compose de courtes périodes très intenses, de montées d’adrénaline. Il requiert une bonne coordination œil-main, c’est à la fois un sport d’action et de contact. »
Christian n’a pas dû faire face à des défis particuliers en tant qu’homme pratiquant un sport équestre. Il pense que c’est notamment dû à sa discipline.
« J’ai l’impression qu’il y a une grande différence entre le polo et le reste des sports équestres. J’ai été victime de préjugés en tant que cavalier ‘tout court’, mais, quand j’explique que je fais du polo, on m’accorde tout de suite plus de respect. Je pense que, pour les hommes, le polo est plus masculin, plus dynamique, et plutôt associé à la haute société. »
Sam Wisbey, cavalier anglais de polo, partage cet avis. Il a aussi remarqué cette différence entre les différentes disciplines.
« J’ai essayé beaucoup de disciplines quand j’étais jeune, et j’ai remarqué que les hommes sont perçus différemment dans chacune d’entre elles, surtout par les personnes qui ne pratiquent pas du tout l’équitation. Aujourd’hui, je fais du polo, et je pense que les hommes sont clairement favorisés, car c’est un sport traditionnellement masculin », explique-t-il.
Pour les très jeunes garçons, la vitesse est aussi un argument de choix, d’après Magne, 11 ans : « Quand on galope, on a l’impression de voler, surtout avec mon cheval ! ».
Mais la vitesse n’est pas la seule raison qui pousse les garçons à commencer l’équitation. « J’aime monter à cheval parce qu’on peut vraiment d’immerger dans le sport et on peut constamment s’améliorer », nous dit Nicolas, 17 ans.
Tous ces jeunes cavaliers ont un point en commun : d’abord victimes de préjugés, ils sont à présent admirés par beaucoup.
« Quand j’étais jeune, on se moquait de moi, mais aujourd’hui les autres se rendent compte qu’il faut être doué pour ne pas tomber quand son cheval se cabre, et ils voient que j’ai des jambes sacrément musclées grâce à l’équitation - c’est super d’être fort », explique Tjalfe, 15 ans.
D’ANIMAL DE FERME À COMPAGNON DE HOBBY
Pendant plus de 6000 ans, les chevaux étaient principalement utilisés par des hommes en tant qu’outils d’agriculture et de transport, mais aussi comme symboles de statut social pour la haute société. En Allemagne, en Suède et en France, entre autres, des chevaux de trait étaient élevés spécialement pour tirer des charges lourdes ou pour servir dans l’armée.
Avec le temps, les chevaux ont été remplacés par les machines agricoles. Ils ont donc pu devenir un compagnon pour le loisir ou la compétition, autant pour les hommes que pour les femmes. L’équitation en tant que sport a plus ou moins cent ans et, au début, les femmes n’avaient pas le droit de participer aux compétitions. En 1912, les sports équestres deviennent des sports olympiques, mais il faudra attendre 1952 pour que les femmes puissent y prendre part.
Aux alentours des années 1970, les premiers clubs furent créés au Danemark et, jusqu’aux années 1990, l’équitation était l’un des sports les plus populaires de l’association danoise des sports. Aujourd’hui, la plupart des cavaliers sont des femmes.
Dans le reste de l’Europe, les choses sont un peu différentes : en dressage de haut niveau, on retrouve une majorité d’hommes.
L’École d’équitation espagnole de Vienne fut créée en 1735 pour enseigner aux hommes nobles l’art de monter des Lipizzans, ces magnifiques chevaux espagnols. Cette tradition s’est maintenue pendant plusieurs siècles. Ce n’est en effet qu’en 2008 que, pour la première fois deux femmes ont réussi l’examen d’entrée de cette institution..

D’après Ulf Helgstrand, président du conseil de l’association danoise d’équitation, ce déséquilibre n’est pas forcément problématique. Néanmoins, l’association essaie de rendre le sport accessible à tous, de manière plus égale. La plupart du temps, les garçons et les hommes se font rares aux écuries, et ils ont besoin de modèles auxquels s’identifier. « On n’essaie pas forcément d’augmenter le nombre de cavaliers masculins, on veut surtout que tout le monde s’amuse en montant à cheval, peu importe son genre. C’est pourquoi nous avons lancé une campagne anti-harcèlement : l’équitation doit être un sport ouvert à tous », explique Ulf Helgstrand.
Selon Pernille Stensgaard, journaliste et auteure du livre «What I know about women on horses (Ce que je sais des femmes à cheval) », passer du temps aux écuries comporte de nombreux avantages.
« Je suis convaincue que passer du temps avec les chevaux apporte bon nombre de bienfaits, et c’est pour cela qu’il est crucial de parler d’équitation aux garçons aussi et pas seulement aux filles », explique-t-elle.
Les stages pour garçons doivent être
plus attractifs
L’association « Garçons et Sports Équestres » a pour but d’encourager les garçons à débuter l’équitation et à continuer ce sport.
« Nous voulons créer chez eux le sentiment d’appartenir à un groupe, pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. Nous organisons des activités sociales et des stages où ces jeunes peuvent se rencontrer », nous explique le président de l’association, Morten Eifler.
Morten est dans le milieu du cheval depuis qu’il est petit. Aujourd’hui, avec son épouse, il dirige un centre équestre, et leurs deux fils montent à cheval. Quand Morten était adolescent, il ne parlait pas beaucoup de son intérêt pour les chevaux à l’école. Pourtant, il a persévéré et a continué de monter à cheval. Par la suite, même si ses fils n’ont pas forcément été victimes de moqueries quand ils ont commencé l’équitation, il avait l’impression qu’il manquait quelque chose, que ses enfants auraient pu vivre plus d’aventures avec d’autres garçons de leur âge, lors de stages par exemple. Son fils a donc été ravi quand, pour la première fois, on lui a justement proposé un stage exclusivement réservé aux cavaliers masculins.
« Au sein des écuries, il n’y a pas forcément de discrimination, mais, en tant que garçon, on n’y rencontre pas beaucoup de semblables. Heureusement, l’association peut aider les garçons à s’intégrer dans un groupe, pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas les seuls garçons à faire de l’équitation ou à posséder leur propre cheval. Ainsi, nous espérons augmenter la pratique de l’équitation chez les jeunes hommes, et, par la même occasion, ouvrir la voie à d’autres après eux », explique Morten.
L’association propose aux garçons des stages d’équitation et divers événements pour se rencontrer, ce qui semble plaire à ce jeune public.
« On s’amuse bien, c’est cool d’être avec un groupe de garçons. Mais parfois, c’est difficile parce qu’on reçoit des commentaires pas super sympas », explique Emil, 14 ans. Jonathan, 13 ans, poursuit : « Quand j’ai commencé l’équitation, certains garçons de mon école trouvaient ça bizarre qu’un mec monte à cheval, ils se sont un peu moqués, mais maintenant personne ne dit plus rien. Les autres trouvent ça cool que j’ose monter à cheval. Je suis le seul garçon de mon équipe, mais ce n’est pas un souci. »
Même si les jeunes garçons et les jeunes filles peuvent facilement discuter entre eux aux écuries, il est important pour les garçons d’appartenir à un groupe au sein de l’association, où ils peuvent prendre exemple les uns sur les autres.
« J’aime bien faire partie de ‘Garçons et sports équestres’, parce qu’on se fait des copains qui savent de quoi on parle quand on parle cheval. J’ai beaucoup de copines aussi, parce qu’il y a plus de filles en général, donc c’est cool d’avoir aussi des copains au cheval », raconte Efe, 11 ans. Victor, 10 ans, est d’accord avec lui : « On rencontre plein d’autres garçons qui font de l’équitation et qui adorent les chevaux. J’ai plein de super souvenirs avec les autres, soit en concours, soit en cours de dressage, ou alors pendant nos goûters. »
Par Cæcilie Kallehave Jensen // Photos: Copenhagen Pool Club, Mia Bach, Stine Fogelberg & Photos by AK
Les chiffres de l’association danoise des sports, montrent qu’en 2022, seuls 8 % des licenciés étaient des hommes. Ces chiffres sont très similaires à ceux de la Fédération Équestre Internationale. Mais il faut bien sûr tenir compte du fait que toutes les personnes pratiquant l’équitation ne sont pas forcément licenciées. Au Danemark, en compétitions internationales, les femmes sont plus nombreuses à concourir que les hommes. En 2019, on comptait ainsi 83% de cavalières de dressage et 61 % de CSO.
Mais alors, qu'est-ce que cela fait d'être un homme dans une écurie à une époque où la grande majorité sont des femmes ?
MODÉLES MASCULINS
DANS LES SPORTS
POUR PLUS DE

Moisés est un cavalier de dressage qui a commencé à monter à l’âge de trois ans et qui n’a plus jamais arrêté. Il a toujours adoré le dressage qui est une discipline de concentration et d’attention aux détails, qui n’accorde ainsi pas tant d’importance à la vitesse ou à la hauteur des barres.
« Le dressage demande de la précision et de l’attention aux tous petits détails. Quand on monte à cheval, on doit être passionné, peu importe son genre. En CSO, ça va plus vite, mais le dressage ressemble plus à de la danse avec son cheval, et je pense que c’est ce qui dissuade beaucoup d’hommes », raconte Moisés.
D’après lui, certains pensent qu’un cheval monté par un homme est plus fort, mais, à ses yeux, ce n’est pas une question de genre, mais bien de recherche d’harmonie avec sa monture.
« Les hommes sont aussi passionnés que les femmes. Ce qui nous anime tous, c’est l’amour des chevaux et l’envie de les monter. »
Il n’y a pas de solution miracle pour convaincre les garçons et les hommes de monter à cheval, mais, ce qui est certain, c’est que le sentiment d’appartenir à un groupe et le fait d’avoir des modèles peut encourager la pratique de l’équitation et le fait de continuer dans ce sport. Il faut montrer que c’est un sport où plusieurs facteurs entrent en jeu : la précision, la vitesse, le timing et bien d’autres encore. Mais surtout, l’équitation, c’est avant tout la relation entre l’animal cheval et la communauté de cavaliers qui partagent cette passion.
Ayant pratiqué de nombreuses disciplines équestres dans ma jeunesse, je constate que les hommes sont perçus différemment dans chaque discipline, en particulier par les personnes qui ne pratiquent pas l'équitation.
– Sam Wisbey

Je pense que c'est la même chose qui anime les hommes et les femmes. C'est la passion des chevaux et le désir de monter à cheval.
– Moisés Jover Azuar


J’ai été victime de préjugés de la part d’autres hommes dans le milieu équestre.
– Christian Green
DANS LES SPORTS
MODÉLES MASCULINS
POUR PLUS DE


Pas facile d’être un homme débutant
De nos jours, de nombreux cavaliers de dressage, de CSO et d’autres disciplines sont des hommes. Au niveau amateur, le centre équestre Dueholmgård au Danemark, a parfois eu une équipe entièrement masculine où les hommes adultes débutants pouvaient apprendre toutes les bases, du sellage à la manipulation des chevaux. Pour beaucoup d'hommes, c'était plus compliqué qu'ils ne le pensaient, explique Malene Treldal, propriétaire du centre équestre Dueholmgård.
L’équipe masculine a connu un franc succès et a abouti à la création d’une véritable communauté pour de nombreux hommes :
« Je pense qu’il faut normaliser la chose. Il faut aussi avoir de bons professeurs d’équitation masculins, pour que les cavaliers aient des modèles à suivre. Enfin, il est important de renforcer l’aspect social. La plupart des hommes sont très sociables, donc on fait tout notre possible pour les regrouper entre eux pendant les cours et on leur permet de se sociabiliser après les cours, parfois autour d’une bière », racontre Malene Treldal.
Ce que tous ces garçons soulignent, c’est le pouvoir de l’équitation : le pouvoir de se rassembler autour d’une passion commune. Mais il est important de faire le maximum pour permettre à ces jeunes cavaliers de persévérer dans le sport.
« Je pense que le polo attire plus d’hommes que la plupart des disciplines équestres. D’après moi, les garçons essaient l’équitation quand ils sont jeunes mais, en grandissant, ils perdent l’intérêt pour ce sport, peut-être parce que l’équitation n’est pas perçue comme étant un sport masculin. C’est pourquoi je pense qu’il est crucial de tout faire pour que les jeunes hommes continuent malgré tout, plutôt que d’essayer de convaincre des ados ou des jeunes adultes de s’y mettre », explique Sam.
On a tous bien dû commencer à monter quelque part et, dans la plupart des cas, on a débuté l’équitation dans un club « classique », avec beaucoup plus de filles que de garçons. Il est difficile de déterminer la cause exacte de ce déséquilibre, mais il convient de noter que de nombreux cavaliers masculins brillent au plus haut niveau dans les sports équestres.
« Les garçons sont parfois très persévérants et moins perfectionnistes que les filles - ceux-là ont tendance à rester dans le sport, car ils s’accrochent même si tout n’est pas toujours parfait », explique Ulf Helgstrand.
Parmi les athlètes masculins de tout haut niveau, on retrouve Moisés Jover Azuar, cavalier international de dressage qui a monté en Espagne, au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas. Aujourd’hui, il monte à Helgstrand Dressage, au Danemark
« En Espagne, les hommes qui montent à cheval sont bien mieux perçus qu’ailleurs, peut-être grâce à la tradition de l’École espagnole d’équitation. Mais au Danemark et en Allemagne, j’ai constaté qu’il y avait beaucoup plus de cavalières que de cavaliers », raconte-t-il.

D’ANIMAL DE FERME À COMPAGNON DE HOBBY
Pendant plus de 6000 ans, les chevaux étaient principalement utilisés par des hommes en tant qu’outils d’agriculture et de transport, mais aussi comme symboles de statut social pour la haute société. En Allemagne, en Suède et en France, entre autres, des chevaux de trait étaient élevés spécialement pour tirer des charges lourdes ou pour servir dans l’armée.
Avec le temps, les chevaux ont été remplacés par les machines agricoles. Ils ont donc pu devenir un compagnon pour le loisir ou la compétition, autant pour les hommes que pour les femmes. L’équitation en tant que sport a plus ou moins cent ans et, au début, les femmes n’avaient pas le droit de participer aux compétitions. En 1912, les sports équestres deviennent des sports olympiques, mais il faudra attendre 1952 pour que les femmes puissent y prendre part.
Aux alentours des années 1970, les premiers clubs furent créés au Danemark et, jusqu’aux années 1990, l’équitation était l’un des sports les plus populaires de l’association danoise des sports. Aujourd’hui, la plupart des cavaliers sont des femmes.
Dans le reste de l’Europe, les choses sont un peu différentes : en dressage de haut niveau, on retrouve une majorité d’hommes.
L’École d’équitation espagnole de Vienne fut créée en 1735 pour enseigner aux hommes nobles l’art de monter des Lipizzans, ces magnifiques chevaux espagnols. Cette tradition s’est maintenue pendant plusieurs siècles. Ce n’est en effet qu’en 2008 que, pour la première fois deux femmes ont réussi l’examen d’entrée de cette institution..
ON MONTE À CHEVAL PARCE QUE...
Tjalfe, 15 ans : « J’adore l’équitation parce que c’est cool d’être capable de contrôler un animal si grand. Ça me donne de l’adrénaline. Ça me rend très heureux. »
Efe, 11 ans : « Je m’amuse beaucoup en dressage, c’est chouette de progresser encore et encore. Puis, un jour, on arrive à faire des exercices qu’on n’arrivait pas à faire avant. En fin de compte, c’est un travail d’équipe avec son cheval. Passer du temps avec son cheval, tout simplement, c’est aussi très agréable, tout comme aller en concours avec les copains. »
Frej, 7 ans : « Monter, quand on est un garçon, c’est amusant, et ce n’est pas grave s’il n’y a pas d’autres garçons parce que j’aime bien être avec des filles plus âgées. J’adore le CSO et aller en concours. »
Emil, 14 ans: « On doit gérer un animal énorme, c’est passionnant de travailler avec les chevaux. Et faire de bons résultats en compétition, c’est un sacré défi vis-à-vis de soi-même.»
Nicolaj, 17 ans: « C’est difficile de trouver un modèle parce qu’il n’y a pas beaucoup d’hommes dans les sports équestres, et certains peuvent nous juger parce qu’on est vraiment passionnés par le sport. C’est pourquoi je trouve que l’association ‘Garçons et sports équestres’ est géniale : ça permet aux jeunes garçons comme moi de se trouver une communauté. On peut trouver d’autres cavaliers à admirer et aussi des copains pour la vie. »

Ce qui plaît aux hommes ? L’action et la vitesse
Heureusement, beaucoup de garçons ne se formalisent pas d’être en minorité au club. Pour certains, il y a d’autres aspects plus importants liés à l’équitation.
« Ça ne fait pas bizarre, c’est très naturel. Même si je suis le seul garçon, je n’y fais pas attention, c’est facile de discuter avec les filles aussi. On s’amuse bien en montant les chevaux et en les amenant au paddock, mais je ne suis pas spécialement fan des longues séances de pansage. Par contre, les concours, c’est génial », explique Jonathan.
La plupart des cavaliers s’accordent à dire que gérer des chevaux au quotidien n’est pas chose facile. « Certains sont peut-être rebutés par le concept de ‘sport de filles’, qui est souvent mal compris. Les sports équestres sont difficiles - porter des charges lourdes et curer les box, ce n’est pas une mince affaire. Travailler dans les chevaux, c’est vraiment épuisant, et j’ai l’impression qu’on oublie parfois la force et le courage requis pour s’en sortir », raconte Pernille Stensgaard.
On a constaté une différence en matière de disciplines équestres pratiquées par les hommes et les femmes. Au polo par exemple, les hommes sont plus nombreux, et cette surreprésentation peut s’expliquer par plusieurs facteurs, explique Christian Green, président du Club de polo de Copenhague.
« Le polo se compose de courtes périodes très intenses, de montées d’adrénaline. Il requiert une bonne coordination œil-main, c’est à la fois un sport d’action et de contact. »
Christian n’a pas dû faire face à des défis particuliers en tant qu’homme pratiquant un sport équestre. Il pense que c’est notamment dû à sa discipline.
« J’ai l’impression qu’il y a une grande différence entre le polo et le reste des sports équestres. J’ai été victime de préjugés en tant que cavalier ‘tout court’, mais, quand j’explique que je fais du polo, on m’accorde tout de suite plus de respect. Je pense que, pour les hommes, le polo est plus masculin, plus dynamique, et plutôt associé à la haute société. »
Sam Wisbey, cavalier anglais de polo, partage cet avis. Il a aussi remarqué cette différence entre les différentes disciplines.
« J’ai essayé beaucoup de disciplines quand j’étais jeune, et j’ai remarqué que les hommes sont perçus différemment dans chacune d’entre elles, surtout par les personnes qui ne pratiquent pas du tout l’équitation. Aujourd’hui, je fais du polo, et je pense que les hommes sont clairement favorisés, car c’est un sport traditionnellement masculin », explique-t-il.
Pour les très jeunes garçons, la vitesse est aussi un argument de choix, d’après Magne, 11 ans : « Quand on galope, on a l’impression de voler, surtout avec mon cheval ! ».
Mais la vitesse n’est pas la seule raison qui pousse les garçons à commencer l’équitation. « J’aime monter à cheval parce qu’on peut vraiment d’immerger dans le sport et on peut constamment s’améliorer », nous dit Nicolas, 17 ans.
Tous ces jeunes cavaliers ont un point en commun : d’abord victimes de préjugés, ils sont à présent admirés par beaucoup.
« Quand j’étais jeune, on se moquait de moi, mais aujourd’hui les autres se rendent compte qu’il faut être doué pour ne pas tomber quand son cheval se cabre, et ils voient que j’ai des jambes sacrément musclées grâce à l’équitation - c’est super d’être fort », explique Tjalfe, 15 ans.

D’après Ulf Helgstrand, président du conseil de l’association danoise d’équitation, ce déséquilibre n’est pas forcément problématique. Néanmoins, l’association essaie de rendre le sport accessible à tous, de manière plus égale. La plupart du temps, les garçons et les hommes se font rares aux écuries, et ils ont besoin de modèles auxquels s’identifier. « On n’essaie pas forcément d’augmenter le nombre de cavaliers masculins, on veut surtout que tout le monde s’amuse en montant à cheval, peu importe son genre. C’est pourquoi nous avons lancé une campagne anti-harcèlement : l’équitation doit être un sport ouvert à tous », explique Ulf Helgstrand.
Selon Pernille Stensgaard, journaliste et auteure du livre «What I know about women on horses (Ce que je sais des femmes à cheval) », passer du temps aux écuries comporte de nombreux avantages.
« Je suis convaincue que passer du temps avec les chevaux apporte bon nombre de bienfaits, et c’est pour cela qu’il est crucial de parler d’équitation aux garçons aussi et pas seulement aux filles », explique-t-elle.
Les stages pour garçons doivent être
plus attractifs
L’association « Garçons et Sports Équestres » a pour but d’encourager les garçons à débuter l’équitation et à continuer ce sport.
« Nous voulons créer chez eux le sentiment d’appartenir à un groupe, pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. Nous organisons des activités sociales et des stages où ces jeunes peuvent se rencontrer », nous explique le président de l’association, Morten Eifler.
Morten est dans le milieu du cheval depuis qu’il est petit. Aujourd’hui, avec son épouse, il dirige un centre équestre, et leurs deux fils montent à cheval. Quand Morten était adolescent, il ne parlait pas beaucoup de son intérêt pour les chevaux à l’école. Pourtant, il a persévéré et a continué de monter à cheval. Par la suite, même si ses fils n’ont pas forcément été victimes de moqueries quand ils ont commencé l’équitation, il avait l’impression qu’il manquait quelque chose, que ses enfants auraient pu vivre plus d’aventures avec d’autres garçons de leur âge, lors de stages par exemple. Son fils a donc été ravi quand, pour la première fois, on lui a justement proposé un stage exclusivement réservé aux cavaliers masculins.
« Au sein des écuries, il n’y a pas forcément de discrimination, mais, en tant que garçon, on n’y rencontre pas beaucoup de semblables. Heureusement, l’association peut aider les garçons à s’intégrer dans un groupe, pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas les seuls garçons à faire de l’équitation ou à posséder leur propre cheval. Ainsi, nous espérons augmenter la pratique de l’équitation chez les jeunes hommes, et, par la même occasion, ouvrir la voie à d’autres après eux », explique Morten.
L’association propose aux garçons des stages d’équitation et divers événements pour se rencontrer, ce qui semble plaire à ce jeune public.
« On s’amuse bien, c’est cool d’être avec un groupe de garçons. Mais parfois, c’est difficile parce qu’on reçoit des commentaires pas super sympas », explique Emil, 14 ans. Jonathan, 13 ans, poursuit : « Quand j’ai commencé l’équitation, certains garçons de mon école trouvaient ça bizarre qu’un mec monte à cheval, ils se sont un peu moqués, mais maintenant personne ne dit plus rien. Les autres trouvent ça cool que j’ose monter à cheval. Je suis le seul garçon de mon équipe, mais ce n’est pas un souci. »
Même si les jeunes garçons et les jeunes filles peuvent facilement discuter entre eux aux écuries, il est important pour les garçons d’appartenir à un groupe au sein de l’association, où ils peuvent prendre exemple les uns sur les autres.
« J’aime bien faire partie de ‘Garçons et sports équestres’, parce qu’on se fait des copains qui savent de quoi on parle quand on parle cheval. J’ai beaucoup de copines aussi, parce qu’il y a plus de filles en général, donc c’est cool d’avoir aussi des copains au cheval », raconte Efe, 11 ans. Victor, 10 ans, est d’accord avec lui : « On rencontre plein d’autres garçons qui font de l’équitation et qui adorent les chevaux. J’ai plein de super souvenirs avec les autres, soit en concours, soit en cours de dressage, ou alors pendant nos goûters. »
Les chiffres de l’association danoise des sports, montrent qu’en 2022, seuls 8 % des licenciés étaient des hommes. Ces chiffres sont très similaires à ceux de la Fédération Équestre Internationale. Mais il faut bien sûr tenir compte du fait que toutes les personnes pratiquant l’équitation ne sont pas forcément licenciées. Au Danemark, en compétitions internationales, les femmes sont plus nombreuses à concourir que les hommes. En 2019, on comptait ainsi 83% de cavalières de dressage et 61 % de CSO.
Mais alors, qu'est-ce que cela fait d'être un homme dans une écurie à une époque où la grande majorité sont des femmes ?
Par Cæcilie Kallehave Jensen // Photos: Copenhagen Pool Club, Mia Bach, Stine Fogelberg & Photos by AK
